La famille Salvat était originaire de l’Ariège. Le grand-père de Gilles vint s’installer à Sète comme allumeur de réverbères. Le père de Gilles Salvat, Sauveur, né le 27 mai 1869 à Perpignan, était douanier chargé de surveiller les quais. Sa mère, Laurentine Laguerre était née le 5 mai 1879à Montoulieu (Ariège). La mère de Gilles, catholique, souhaitait que ses enfants aient une éducation religieuse solide. Mais Gilles préférait jouer dans les rues de Sète et le quartier très populaire de la rue Révolution. Avec ses copains il jouait, rue de la Liberté et dans les rues avoisinantes de la rue Montmorency où il habitait avec ses parents au n°1 et où il habitera avec sa femme et ses enfants au numéro 13 jusqu’en 1965. Il devint athée très rapidement malgré les conflits que cela provoquait avec sa mère. Le 17 juin 1920, son père qui était sous-brigadier à la douane de Sète tomba à l’eau dans le canal alors qu’il assurait une garde nocturne et se noya. Ce fut son fils Gilles, alors âgé de 16 ans qui fut requis pour l’identifier. Cela le marqua profondément et le fit souffrir d’une maladie inconnueà l’époque, la narcolepsie, qui fut diagnostiquée seulement dans les années 1960. Après le décès de son mari sa mère distribua des journaux.
Gilles Salvat se maria en 1937 avec Lina Paccianus née le 11 janvier 1904 à Brouilla (Pyrénées-Orientales). Il l’avait connue à la faculté de Lettres de Montpellier. Ils eurent trois enfants : Jean né le 26 juin 1940 à Perpignan, décédé le 14 août 2010 et enterré à Sète. Il était ingénieur et fut toujours membre du Parti communiste ; Danièle, née à Sète le 9 avril 1948, kinésithérapeute ; Françoise, née à Sète le 18 octobre 1950, directrice de Centre de formation et d’insertion.
Gilles Salvat fit des études d’Histoire-Géographie à la faculté de Lettres de Montpellier. Il obtint la licence d’enseignement. Il s’intéressait particulièrement à la philosophie de Hegel et au marxisme. En octobre 1939, il était professeur adjoint au « grand lycée » de Montpellier (Hérault). Le 16 avril 1940, il fut affecté au dépôt d’infanterie n°163 à Montpellier et, le 4 mai 1940 détaché au cours d’élèves officiers de réserve à Sète. Il fut démobilisé le 17 juillet 1940 et se retira à Brouilla, où, semble-t-il, il rejoignit son épouse qui venait d’accoucher à Perpignan. Il occupa son premier poste de professeur à Péronne dans le Nord où il resta quelques années puis obtint un poste à Rodez (Aveyron) et enfin put revenir à Sète au collège le 16 septembre 1947 où il y fit tout le reste de sa carrière jusqu’en 1969. Dès lors il se consacra à son mandat d’élu.
Il semble, d’après sa fille Françoise, qu’il adhéra au PCF à la Libération. Elle précise : « Ce fut le fruit d’une longue réflexion. Je crois qu’il avait été socialiste et trouvait leur politique trop timorée. Il lisait Marx, Lénine. Il prônait le matérialisme philosophique et la dialectique comme système de pensée et d’argumentation. Il souhaitait convaincre du bien-fondé de ses idées dans le calme d’échanges et de démonstration. Toute sa vie a été construite au regard de ses idées.» Ce fut en mai 1945 qu’il fut candidat pour la première fois à un mandat électif à Sète. C’était sur la liste conduite par Pierre Arraut*, pour les élections municipales. Il fut constamment réélu jusqu’en 1977. En novembre 1946 il fut à nouveau candidat en 3e position, après François Winberg, sur le 2e
secteur de Sète. Le 19 octobre 1947, il fut candidat aux élections municipales sur la liste d’Union républicaine et résistante de défense des intérêts de la ville de Sète présentée par le Parti communiste français. Gilles Salvat fut chargé des problèmes culturels en 1959. Il fut à l’origine, avec la complicité d’Antoine Beille*, de plusieurs réalisations et de la foisonnante activité du Centre Culturel. Les chantiers culturels furent alors ouverts comme la rénovation du Théâtre municipal Molière. Le Théâtre de la Mer naquit sous son impulsion ce qui a permis de rénover le fort Vauban. Les bancs de bois avaient été construits dans des planches venues des forêts de Matemale (Pyrénées-Orientales) où il avait passé son enfance. Ce fut la Compagnie Jean Deschamps qui anima pendant de longues années un magnifique festival illustré par une affiche du peintre Albert Masri.
Le Centre culturel sétois fut un outil démocratique au service de la culture et des associations de la Ville qui s’y associèrent immédiatement : Amis du Bel canto, Cercle occitan, Caméra Club, Ciné-Club Gérard-Philippe, etc… Il avait souhaité la création d’un musée dédié à Paul Valéry car il nourrissait une grande admiration pour le poète sétois. Ce projet verra le jour grâce à l’obstination des deux « complices culturels » Antoine Beille* et Gilles Salvat. Pour suivre les activités culturelles et leur développement, Gilles Salvat bénéficia aussi des complicités d’Anselme Roumieu, conseiller municipal et occitaniste, et de Michel Rideau*. Soucieux de voir les enfants de Sète s’intéresser à la peinture et au dessin, Il fut à l’origine de l’école des Beaux-Arts dont direction fut confiée à Éliane Beaupuy-Manciet*, grand prix de Rome. Sur le plan sportif, sa fille Françoise, retient la création de la base nautique Munoz-Miaille au Barrou, en bordure de l’étang de Thau, afin que la voile ne soit pas réservée qu’aux riches. Salvat fut élu au secrétariat de la section de Sète du PCF lors de la conférence de section du 23 janvier 1949. Il fut élu membre du comité de la Fédération de l’Hérault du PCF, lors de la conférence fédérale des 19 et 20 février 1949.
Il participa au collectif de gestion de la librairie créé par le PCF au début des années 1960. Celle-ciétait attenante au siège du PCF, quai supérieur de la place Aristide-Briand, aujourd’hui rue du 11 novembre 1918. Ce collectif comprenait, Henriette Luccionni, Éliane Baupuy-Manciet*, Michel Rideau*.
Pour les fêtes du tricentenaire de la ville de Sète, en 1966, il fut à l’initiative de la sortie d’un ouvrage, Sète, qui regroupait plusieurs signatures d’universitaires qui passaient la ville au crible de leurs études. Cet ouvrage était placé sous la direction de Gaston Galtier, professeur à la faculté de Lettres de Montpellier et président de la Société languedocienne de géographie. Gilles Salvat, alors conseiller municipal délégué aux affaires culturelles, y traitait par ailleurs de l’histoire de Sète, dans une étude très fouillée intitulée « Les difficultés de Sète et ses victoires ». À partir de sa configuration géographique, il confrontait cette place originale dans l’histoire et aux enjeux économiques (port, voies navigables, etc…) en liaison avec l’économie régionale. Un journal du Centre culturel, Arts et culture, fut créé. Il donnait la parole aux associations et des poètes locaux s’y exprimaient. En 1969, parut le premier bulletin de la Société d’études scientifiques de Sète et de sa région, présidée de Gilles Salvat. Ce bulletin relatait les travaux de la section spéléologie du centre culturel, animée par Bernard Baraillé, par ailleurs journaliste à Midi-Libre. Dans son n° 3 en 1970, M. Baraillé publia un article sur « L’exploitation du Causse d’Aumelas » où il faisait état de la découverte d’un aven : celui-ci fut dédié au conseiller municipal à la culture et porte depuis le nom d’Aven Salvat qui est à la fois classé dans les grandes cavités du fait de sa profondeur (118 m) et de l’importance de son développement.
Par la suite, Gilles Salvat fut adjoint à la jeunesse et aux sports. Il voulait que tous aient accès au sport et à la culture et pensait qu’il fallait construire des structures adaptées et peu onéreuses afin que tous les enfants aient les mêmes chances dans la vie. S’il s’intéressa particulièrement au domaine du sport et à celui de la culture, il n’en négligea pas cependant d’autres domaines. Avec Armande Maillet il fut à l’origine des premiers restaurants scolaires. Avec Louis
Catanzano il contribua à la création d’une Régie municipale des Pompes funèbres, brisant ainsi le monopole d’une compagnie privée et rendant des services moins onéreux pour les familles.
En 1972, se déroulaient à Paris les négociations entre Vietnamiens et Américains afin de mettre fin à la désastreuse guerre qui anéantissait le Vietnam. Afin d’offrir une pause à Mme Nguyen Thi Binh qui conduisait la délégation vietnamienne, la section de Sète du PCF accueillit celle-ci pendant l’été 1972. Gilles Salvat mit la baraquette que possédait la femme de son fils Jean, au flanc du Mont Saint Clair, à la disposition de celle qui deviendra, après les accords de Paris de janvier 1973, ministre de l’Éducation et vice-présidente du Vietnam entre 1992 et 2002. Pendant une semaine les militants du PCF de Sète se relayaient, jours et nuits, afin d’assurer sa sécurité et l’accompagner dans ses escapades à la plage. Elle fut reçue officiellement en mairie par Pierre Arraut. Celles et ceux qui l’ont connu en gardent un souvenir d’un homme à l’humour froid, d’une grande rigueur morale et intellectuelle. Il a beaucoup aimé l’enseignement et particulièrement les matières choisies car il souhaitait que la jeunesse vît, à travers l’étude de l’Histoire, la lutte des classes, l’exploitation de la classe ouvrière par le capitalisme.
SOURCES : Le Travailleur du Languedoc, 29 avril 1945, 23 novembre 1946 & 29 janvier 1949. — La Marseillaise, 16 juin 1985. — Fédération de l’Hérault du PCF. — Sète, sous la direction de Gaston Galtier, Presses de la Socedim, Société d’édition et d’impression de la Méditerranée, Marseille, mars 1967, 202 p. — Souvenirs de ses filles Danièle et Françoise. — Souvenirs et archives de Jacques Blin.
Jacques BLIN